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Expérience (Malo Aguettant, août 2022)

Silence, on tourne !

Dans un face-à-face entre vous et le ciel, de jour comme de nuit, au cours d'une journée sans nuage ou bien d'une nuit sans étoile, la présence inopinée (inattendue) d'un objet (nuage, oiseau, étoile, bruit) vient alors accaparer (attirer) notre attention.

Cet espace qui contient cet objet s'impose avec une évidence qui nous touche, parce que nous avons l'impression que cet espace nous contient nous-même également.

Mais ce n'est qu'une apparence. Si nous demeurons dans ce face-à-face avec l'espace illimité, tout à coup notre réalité bascule.

Nous commençons à ressentir cet espace vide comme notre propre réalité.

Il n'y a plus que nous dans cet espace, mais nous sommes cet espace qui comprend tout. C'est comme si maintenant le silence imprégnait tous les pores de votre peau jusqu'à l'intérieur de vos os, jusqu'à reconnaître dans ce silence votre nature ultime.

Processus d'identification

Ce vide apparaît comme une menace du seul fait qu'il ne propose aucune diversion à tous les conflits de notre monde intérieur que nous cherchons habituellement à éviter.

Il n'y a rien pour les contenir dès lors que l'on est en contact avec le vide. Ce ciel sans fond nous fait peur. Notre identité étant construite à partir de nombreuses limites, c'est précisément cette absence de limite à laquelle nous sommes confrontés qui perturbe nos stratégies d'évitement de nos conflits.

On fixe alors de nouveau notre attention sur les objets extérieurs, les nuages, les étoiles, les bruits, n'importe quoi pour faire diversion.

La pure sensation d'Être

C'est seulement en demeurant le plus intime possible avec notre sensation d'être, dans la plus grande neutralité, au-delà de l'agréable ou du désagréable, au-delà du plaisir ou de la douleur, que la dissociation entre l'intérieur & l'extérieur, entre le personnel & l'impersonnel (Personne versus personnalité) disparaît.

C'est parce que nous envisageons toutes les situations à partir de la recherche de sensation agréable, que nous cherchons à éviter ce qui nous apparaît alors comme désagréable.

C'est cette stratégie qui provoque le conflit & la souffrance, car elle vise à séparer ce qui ne peut pas l'être. C'est une forme de violence. C'est seulement si le désagréable est accueilli de la même manière que la question de l'agréable & du désagréable ne se pose plus.

Il n'y a plus que l'expérience de la situation dans son intégralité sans personne pour se l'approprier ou le refuser. Il n'y a qu'expérience s'expérimentant.

Observation

Tout observation ne doit pas s'accompagner d'aucun jugement de valeur, d'aucune critique négative sur nous-même.

La question n'est pas de savoir : "Quelle est la nature de celui qui vit toutes ces expériences ?" mais véritablement et plus ouvertement : "Quelle est la nature de cela qui vit toutes ces expériences ?"

C'est cela qui est en amont de toute expérience, ce par quoi toute expérience peut avoir lieu, et également cela de quoi est faite toute expérience.

Être, n'est pas celui qui fait l'expérience.
La "girouette", l'"insecte" subissent l'"Impulsion de la Vie", le "Souffle de la Vie".

Être, n'est pas l'agent de l'expérience.
Le "vent", la "tempête" véhiculent l'"Impulsion de la Vie", le "Souffle de la Vie".

Être, est l'expérience.
La "dépression", l'"air" expriment l'"Impulsion de la Vie", le "Souffle de la Vie".

Illusion

Dès que nous vivons une expérience, nous en induisons l'idée d'un moi qui aurait vécu cette expérience.

Mais si nous regardons de près, il n'y a qu'expérience.

En réalité, rien ne coule uniformément dans un sens. "Ce qui est" échappe à toute représentation.

La mémoire a sur notre repréentation de la vie la même fonction que la persistance rétinienne qui nous donne l'illusion au cours d'une projection cinématographique de voir un mouvement continu là où il n'y a en fait qu'une succession d'images arrêtées.