Politique ou Comedia del Arte
Qu'est-ce qu'un homme ou une femme politique ?
C'est, dans le meilleur des cas, un homme qui a des idées, du charisme, qui est bon orateur, travailleur acharné, qui aime briller et qui a l'ambition d'atteindre le pouvoir pour mettre sa marque sur le destin national et peut-être même pour entrer dans l'Histoire.Or, dès l'instant qu'il s'engage dans cette voie, il n'a plus un instant à lui et toutes ses énergies sont mobilisées dans l'atteinte ou la conservation du pouvoir. Ce qui signifie qu'il n'a plus le temps de se cultiver, de s'informer en profondeur, de réfléchir à l'évolution de la société.
L'homme politique, c'est connu, lit des journaux et des dossiers. Et quand il a lu ses journeaux et ses dossiers, il n'a plus le temps de lire des livres. Or, quiconque ne lit pas de livres n'a aucune chance de comprendre ce qui se passe dans le cœur des hommes et l'âme des peuples ni de discerner quoi que ce soit du destin de l'humanité.
Parce qu'il doit se montrer en tous lieux, parler sur toutes les antennes, serrer des mains sur les marchés, toute analyse psychologique de ses concitoyens et toutes méditation philosophique sont quasiment interdites à l'homme politique. Or, sans psychologie et sans philosophie, la politique n'est plus que vaine agitation ou prestation de comédien.
Si cet homme devient ministre, ou mieux encore Premier ministre, il est immédiatement assailli par des responsabilités écrasantes et une multitude de problèmes à résoudre, alors qu'il est dramatiquement dépourvu des moyens intellectuels et des connaissances qui lui seraient nécessaires. Que fait-il alors ? Il se tourne vers les experts, les spécialistes, les grands commis de l'État, qui deviennent ses conseillers. Des conseillers apparemment respectueux et dévoués, mais qui n'ont pas d'autre idée en tête que s'attirer le responsable politique dans la voie qu'ils jugent bonne. C'est humain et on ne peut leur en tenir rigueur, car ils sont le plus souvent de bonne foi.
Mais comment le ministre fraîchement nommé pourrait-il résister à l'influence de personnes réputées ultra-compétentes, qui connaissent leur affaire sur le bout du doigt et qui ont, parfois depuis des décennies, l'expérience de la spécialité dans laquelle il “débarque”.
Et si le ministre en question a autrefois appartenu, ce qui peut arriver, à la même branche ou catégorie que ses conseillers, et qu'il sait de quoi il retourne, il y a toutes les chances qu'il soit alors piégé par “l'esprit de corps” et fasse cause commune avec ses experts, d'autant plus que s'étant écarté du métier depuis quelques années pour discourir sur les tréteaux, il n'est plus “assez dans le coup” pour tenir têtes à ses anciens collègues, à supposer qu'il ait assez de force de caractère pour cela.
Voilà pourquoi, depuis très longtemps, les experts et les grands commis gouvernent la France bien plus que les ministres, alors qu'ils n'ont jamais été élus. Il y a belle lurette que la République est tombée aux mains des Grands Féodaux. “Un ministre, c'est quelque chose qui sonne creux. Ce n'est ni fait pour agir, ni pour décider quoi que ce soit, surtout en matière de recherche.”
Jean-Pierre Petit, s'adressant à Jacques Benveniste.
On admirera au passage la lucidité de Jean-Pierre Petit, qui a parfaitement compris à la fois la puissance du lobby pharmaceutique (et là on peut parler de lobby), et aussi l'impuissance et l'indifférence des hommes politiques.
“A quoi mènent ces démarches à contre-courant ? On se le demande parfois. Il est tellement plus facile de hurler avec les loups, de suivre la meute, de censurer au plus profond de soi toute velléité d'idée vraiment novatice. Car le confort d'une carrière est à ce prix, il ne faut pas se le cacher. Qui veut réussir devra passer à côté de son frère en difficulté et l'ignorer, si celui-là a la majorité des collègues contre lui. Notre système est construit comme une mafia. Il a son omerta, sa loi du silence.”
Le courage des individualités selon Aurobindo Ghose (1872-1950)
Dans nos États modernes, les personnes issues de la classe gouvernante imposent sciemment (délibérément, volontairement) leurs buts & leurs idéaux en les hypnotisant (persuadant) avec de belles paroles.En usant de ce stratagème (subterfuge, ruse), il n'y a aucune garantie que la classe dirigeante ou le corps dirigeant représente la meilleure intelligence de la nation ni ses buts les plus nobles ni ses instincts supérieurs.
Rien de tel n'existe chez le politicien moderne, en aucune partie du monde; il ne représente pas l'âme d'un peuple ni ses aspirations. Ce qu'il représente, d'habitude, c'est toute la médiocrité, l'égoïsme, l'égocentrisme et la duplicité qui l'entourent; cela, il le représente assez bien, et aussi beaucoup d'incompétence mentale et de conventions morales, de pusillanimité (peur, lâté), de prétention.
De grands problèmes se présentent souvent à sa décision, mais il ne les traite pas avec grandeur; des paroles élevées et de nobles idées sont sur ses lèvres, mais bien vite elles deviennent le boniment (mensonge, leurre) d'un parti. La maladie et le mensonge de la vie politique moderne sont évidents dans tous les pays du monde; seul, le consentement hypnotisé de tous (et même des classes intellectuelles) à cette grande imposture organisée, masque et prolonge la maladie.
Dans une société mal gouvernée, un esprit individuel qui, moins entravé, fait ce que l'État ne peut faire, met en œuvre et utilise la sincérité, l'énergie et l'idéalisme des individus les meilleurs pour tenter ce que l'État n'a ni la sagesse ni le courage de tenter, et accomplit ce que le conservatisme et l'imbécillité de la collectivité laissent à l'abandon, ou même contrecarrent (s'opposent) et répriment activement. L'énergie de l'individu est l'agent vraiment effectif du progrès collectif.