L'abri Cro-Magnon (Eyzies, Dordogne, France)
Découverte en deux temps
Une première excavation de sédiments (tallus de presque 4 mètres de haut) effectuée en août 1863, qui devait permettre un aménagement ferroviaire, avait mis au jour des silex & des os de renne.Une deuxième excavation de sédiments (trou de 12 mètres de profondeur) lancées en mars 1868, qui devait permettre la création d'une nouvelle route, avait quant à elle mis au jour la sépulture de Cro-Magnon.

L'abri sous roche est situé sur la commune des Eyzies-de-Tayac. Son nom a pour origine "Cro" ou "Cros" qui vient du patois périgourdin qui signifiait "trou, creux". "Magnon" est un patronyme courant dans la région.

"Cro-Magnon" est donc le "trou appartenant à Monsieur (la famille) Magnon". En réalité, cette dénomination fait référence à la cavité qui se trouvait au-dessus de ce qui allait devenir l'abri Cro-Magnon.

Avec le temps, des éboulements & des sédiments avaient comblé la cavité inférieure (où étaient ensevelis les restes du premier Cro-Magnon), et l'avaient transformé en tallus !
Il y avait donc bien deux abris sous roche l'un au-dessus de l'autre.

Sépulture aux cinq corps
Deux crânes sont exhumés ainsi que d'autres ossements provenant de cinq squelettes humains, de l'outillage lithique (en pierre), des éléments de parure & des os de rennes gravés.La sépulture ne se trouvait pas dans des couches stratigraphiques basses de l'abri. Les corps des cinq fossiles se trouvaient vers le fond de l'abri, presque en haut de la stratigraphie.
Les corps des défunts ont été poussés dans une cavité et non "enterrés". Pour être un peu plus descriptif, cette sépulture préhistorique ressemblait plus à un columbarium (avec des niches) qu'à nos cimetières actuels avec des allées de tombes ...
Les ossements des cinq individus étaient partiellement recouverts d'ocre. On a pu identifier les corps d'un enfant (de quelques jours) et de quatre adultes dont une femme. Le crâne de cette dernière portait une balafre qui avait été tout d'abord été identifié comme une blessure, ce qui laissait penser que cette femme avait été mortellement touchée. Les études du crâne ont en fait montré qu'il s'agissait simplement d'un mauvais coup de pioche lors de la découverte du site !
Le vieillard de 40 ans
Excepté les dents manquantes, le squelette de Cro-Magnon 1 est complet. Il était âgé de 40 ans ce qui pour l'époque devait être exceptionnel. Il avait perdu toutes ses dents et ses alvéoles étaient partiellement bouchées indiquant qu'il a vécu après la perte de sa dentition. L'étude du squelette montre également que Cro-Magnon 1 souffrait de la maladie de Scheuermann qui occasionne un tassement des vertèbres ce qui devait le rendre bossu.Le crâne présentait également des érosions au niveau du front & de la mâchoire inférieure. Les études ont montré que notre "vieillard" souffrait d'histiocytose x.
Une parure de trois cents coquilles percées de l'espèce Littorina littorea (coquillages que l'on trouve en Atlantique), présente sous l'abri Cro-Manon & mélangée aux ossements a été enterrée il y a 27 680 ans (∓270 ans).


En 1869, Louis Lartet publi une belle planche représentant des objets provenant de la "grotte séculcrale de Cro-Magnon" : silex aurignaciens, pendeloques, coquillages, mais aussi deux harpons magdaléniens à double rang de barbelures. Heureusement, un erratum précise que ces harpons "sont d'une époque moins anciennes que la sépulture de Cro-Magnon".

Les harpons proviennent probablement de la Madeleine et ont été placés là par le graveur sans doute dans un but décoratif. Tout comme un fragment de côte, gravé d'un personnage (asexué, un peu météorisé mais sans sein ni fesse marqués).

Tout en haut de la stratigraphie des pointes de la Gravette & des flèches de Bayac ont également été mises à jour.


Des éléments de l'Aurignacien ont été identifié (lames aurignaciennes, grattoirs sur lame, sagaies à base fendue & des poinçons), et ils correspondent aux couches stratigraphiques les plus anciennes de l'abri, et qui datent bien avant la sépulture de notre Cro-Magnon.

Malformation crânienne








Philippe Charlier, médecin légiste et paléopathologiste au musée du quai Branly (Jacques Chirac), a comparé ces lésions avec des crânes collectionnés par les anatomistes français du 19e et du 20e siècle, conservés dans les universités et les hôpitaux français, avec des pathologies authentifiées. Ainsi, il publie dans la revue The Lancet son diagnostic: neurofibromatose de type 2, une maladie d'origine génétique causant des tumeurs bénignes dans l'épaisseur de la peau.

"Nous n'avons pas les informations génétiques qui permettent de confirmer ce diagnostic. Nous ne pouvons jamais être certains, mais si ce patient venait me consulter aujourdhui, je le traiterais pour une neurofibromatose", remarque le Dr Charlier.